
Le secteur des hydrocarbures est un contributeur majeur au produit intérieur brut (PIB) des pays d’Afrique de l’ouest. Néanmoins, ces derniers ne sont pas à l’abri de déversements accidentels susceptibles de créer des crises majeures sur les plans économique, social, et écologique. Quel est le niveau de préparation des États ouest-africain face à ces accidents ?
L’Afrique de l’ouest a un passif lourd en matière de déversement accidentel des hydrocarbures. Ainsi, Amnesty international indique qu’au Nigeria par exemple, la compagnie Shell a enregistré 1.010 fuites sur ses infrastructures entre 2011 et 2017. Quant à la compagnie italienne ENI, elle comptabilise 820 fuites. Ceci représente l’équivalent total de 136 821 barils soit 21,6 millions de litre brut de pétrole1 qui se sont écoulés dans l’environnement.
Des PNIU (plans nationaux d’intervention d’urgence) qui diffèrent entre les États
Face à cette situation, les acteurs de l’industrie, les Etats et l’organisation maritime internationale (OMI) prennent des mesures pour protéger les milieux naturels. L’un des axes de cet engagement a consisté à la rédaction de plans nationaux d’intervention d’urgence (PNIU) en cas de déversements accidentels. Ces documents constituent de véritables manuels de procédures qui permettent aux Etats de répondre aux situations d’urgence. Mais il faut noter que d’un Etat à l’autre, les situations varient beaucoup. Ainsi, sur les douze pays bordant le littoral ouest-africain, 9 disposent d’un PNIU. Seules la Gambie, la Guinée Bissau et la Guinée sont encore à la phase de développement de ce plan. Pour leur part, le Libéria et le Togo doivent encore approuver les plans qui ont déjà été développés (voir carte : https://www.giwacaf.net/fr/progress).
En ce qui concerne le contenu des PNIU, des disparités s’observent entre les pays du littoral. Par exemple, la Sierra Leone, le Ghana et le Nigeria ont intégré des cartes de vulnérabilités à leurs plans tandis que le Togo, la Guinée Bissau ou encore la Gambie ne dispose pas de tels outils. D’après le Global Initiative for West, Central and Southern Africa (GI WACAF*) ces cartes permettent de déterminer “la sensibilité des différents milieux environnementaux et des ressources pouvant être exposés à une pollution par hydrocarbures […] l’identification des sites ou des ressources les plus sensibles et fournit une base afin de définir les priorités pour la protection et le nettoyage et pour planifier la stratégie d’intervention la plus appropriée.”
Les polymères, des outils essentiels pour lutter contre les marées noires
Un décalage s’observe également sur des aspects comme les politiques relatives aux dispersants. Ces derniers sont des polymères qui interviennent dans la lutte contre les marées noires. Les polymères agissent contre la stagnation du pétrole à la surface de l’eau et elles empêchent l’hydrocarbure d’atteindre les côtes. Les politiques relatives à l’utilisation des dispersants permettent de s’assurer que ces polymères soient disponibles à tout moment en cas de déversements d’hydrocarbures.
A ce jour, seuls le Sénégal, le Libéria et le Ghana ont intégré ces politiques sur les dispersants à leur PNIU. Le Nigéria et le Togo ont développé une politique qui attend d’être ratifié. Mais la grande partie des pays de l’ouest-africain ne dispose pas d’un tel outil.
D’autres faiblesses des pays africains en matière de gestion des déversements accidentels des hydrocarbures sont liés aux systèmes de gestion des crises ou encore la coopération transfrontalière en matière de lutte contre ces déversements.
Des menaces environnementales que les pays prennent au sérieux
Si toute ces failles paraissent de nature à affecter l’efficacité des PNUI, il faut cependant souligner que les pays prennent au sérieux les menaces liées aux déversements accidentels d’hydrocarbures. En effet, les nations africaines savent qu’elles disposent déjà de ressources assez rares et les rediriger vers la lutte contre les accidents liés au déversement d’hydrocarbures serait très coûteux.
Pour les entreprises, la vigilance est également de mise. En effet, des compagnies comme Shell se sont retrouvées par le passé à verser de lourdes indemnités de dédommagement aux populations locales suite à des accidents relatifs à leurs activités. Néanmoins d’un point de vue structurel, cette veille ne suffit pas toujours à lutter contre le problème. En effet, des facteurs comme la vétusté des infrastructures ou encore le laxisme dans leur entretien débouche sur des déversements accidentels. En outre, les États doivent encore traduire les textes en actions réelles et mesurables sur le terrain.
* Le GI WACAF est un programme par le biais duquel, l’organisation maritime internationale et Association mondiale de l’industrie pétrolière et gazière œuvrent pour l’amélioration des performances environnementales et sociales
Sources
2- https://www.giwacaf.net/fr/progress