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Si d’ordinaire les huiles usagées sont traitées et réintégrées dans le cycle de commercialisation, au Bénin les usages “innovants” se multiplient pour ces lubrifiants en fin de vie, au détriment de la santé publique.
Les lubrifiants sont consommés dans presque tous les secteurs de l’activité humaine impliquant des machines (transport, industrie, technologie etc.). En fin de vie (perte de leurs propriétés lubrifiantes), ces produits deviennent des huiles usagées. Selon le législateur béninois, les huiles usagées sont “toutes huiles, issues du raffinage du pétrole brut ou synthétique, destinées à la lubrification ou à d’autres fins, et qui sont devenues impropres à leur usage original en raison de la présence d’impuretés ou de la perte de leurs propriétés initiales ; elles incluent les huiles lubrifiantes, les huiles hydrauliques, les huiles pour le travail des métaux et les liquides isolants ou caloporteurs”1
Au Bénin, les statistiques de l’INSAE indiquent que le pays génère chaque année environ 24 millions de litres d’huiles usagées3. Ces huiles sont essentiellement issues des secteurs du transport et de l’industrie.
Mais, leur production n’est pas sans risque. En effet, les huiles usagées sont extrêmement polluantes et présentent des risques pour la santé humaine ainsi que pour la faune et la flore. D’où la nécessité de se pencher sur le sort qui leur est réservé , une fois qu’elles ont fini de servir.
A l’instar d’autres pays, le Bénin s’est doté d’une législation réglementant la vie des huiles usagées. Ce texte fixe les conditions de collecte, stockage, transport, pré-traitement et régénération de ces huiles. Ainsi, par exemple, le décret dispose que « toute personne qui produit, collecte ou traite plus de 200 litres d’huiles usagées doit tenir un registre ». Le texte énonce également les dispositions pour l’installation d’unités de régénération des huiles usagées. D’un point de vue législatif et juridique, le Bénin semble donc bien outillé pour la gestion des huiles usagées et des risques environnementaux qui y sont liés. Néanmoins, comment ceci se traduit-il dans la réalité ?
Cycle de vie des lubrifiants
Dans un cycle ordinaire, après son obtention par transformation du pétrole, le lubrifiant est commercialisé puis utilisé par les engins. Une fois qu’il a perdu ses propriétés lubrifiantes, l’huile usagée est vidangée, puis collectée, et redirigée vers une unité de traitement. Cette opération aboutit à l’obtention d’une huile de base régénérée qui subit ensuite une ré-additivation avant d’être réintégrée dans le circuit de commercialisation. D’après la compagnie française Total, après régénération, 1000 litres d’huiles usagées produisent 700 litres d’huiles prêtes à connaître un nouveau cycle.
Au Bénin, la réalité est assez différente. La majorité des huiles usagées proviennent essentiellement du secteur du transport. Après un premier usage dans les véhicules, ces huiles connaissent une deuxième vie dans l’agroalimentaire et l’assainissement. En effet, les garagistes les revendent aux meuniers qui s’en servent dans leurs activités quotidiennes. Une autre partie se retrouve dans les mains des particuliers qui s’en servent pour réduire la puanteur de leurs fosses septiques, traiter le bois ou encore combattre les fourmis. Ces huiles usagées servent également à la toilette…des porcs. “Certains fermiers utilisent les huiles de vidange pour laver les porcs à titre de prévention contre les attaques des ectoparasites.”5 explique Coffi Charles KPOKPOYA, auteur d’un travail de recherche sur les huiles usagées au Bénin. Mais aucun de ces voies atypiques et même dangereuses ne peuvent répondre aux besoins de retraitement du pays.
Une bonne partie de ces huiles finissent directement dans les caniveaux ou dans les cours d’eau. Elles affectent alors les populations humaines ainsi que la faune et la flore aquatique. Cette situation s’explique par le fait qu’il n’existe pas à ce jour de structure stable de recyclage de ces huiles, et ceci en dépit des dispositions prévues par la loi.
Perspectives d’amélioration.
Si le Bénin a fait un effort pour se doter de textes susceptibles d’améliorer la gestion des huiles usagées, il importe aujourd’hui de mettre en œuvre ces textes. Mettre en place un système efficace de collecte et se doter d’un centre de recyclage de ces huiles usagées constitue désormais un véritable enjeu de santé publique. En outre, cette option offre des opportunités économiques pour les acteurs qui seraient tentés de s’y engager. En effet, une fois traitées, ces huiles peuvent entamer un nouveau cycle commercial et donc générer de nouveaux revenus.
Les populations, elles doivent être sensibilisées aux dangers liés aux huiles usagées afin que leur utilisation dans des domaines comme l’agroalimentaire (notamment leur acquisition par les moulins) ou encore l’assainissement (utilisation pour réduire la puanteur des fosses septiques) soit désormais bannie. Enfin, une traçabilité stricte des quantités d’huiles utilisées, de leurs conditions de stockage et de leur traitement post-usage permettra un meilleur contrôle de cette problématique qui constitue sinon une véritable épée de Damoclès.